
Des résidus de produits chlorés dans le sirop d’érable
Texte de Luc Lagacé – Microbiologiste, Ph. D., chercheur, chef d’équipe – Recherche et développement – Produits de l’érable et procédés, Centre ACER
L’origine naturelle et la pureté représentent des attributs distinctifs du sirop d’érable par comparaison aux autres produits sucrants sur le marché. Ils font même partie intégrante de la définition de ce produit bien d’ici.
Les acériculteurs et acéricultrices du Québec prêtent une attention particulière à ces caractéristiques en employant des techniques de production adaptées afin d’offrir un produit de qualité. Cependant, certains détails dans les méthodes de travail peuvent entraîner un risque de contamination involontaire. Cela peut paraître paradoxal : contaminer le sirop d’érable en voulant nettoyer les équipements dans un objectif d’en améliorer la qualité ! Or, c’est pourtant ce que révèle l’étude conduite par le Centre ACER : des résidus de chlorates se trouvent dans des échantillons de sirop d’érable. La cause : l’assainissement des équipements avec des produits d’entretien contenant du chlore, comme l’eau de Javel. Il devient donc important, pour cette opération de nettoyage, d’utiliser le bon produit, au bon moment, à la bonne concentration et de la bonne manière, c’est-à-dire en effectuant entre autres un rinçage efficace des équipements.
En réponse aux normes européennes, où les limites pour ce genre de contaminant sont particulièrement sévères et contrôlées, l’industrie acéricole a mandaté le Centre ACER afin de documenter la contamination en chlorates et perchlorates dans le sirop d’érable. Les deux objectifs de cette étude, financée par le programme Innov’Action du MAPAQ, les PPAQ et le CIE, étaient de brosser un portrait de ce type de contamination et, ensuite, d’essayer d’identifier sa source principale.
Du chlorate dans des échantillons prélevés à l’érablière
Au départ, aucun échantillon de sirop d’érable prélevé directement à l’érablière et également dans les usines de transformation ne présentait de concentration dépassant la limite européenne pour les perchlorates. Cependant, quelques échantillons de sirop d’érable ont révélé des teneurs parfois élevées pour les chlorates. En fait, sur 103 échantillons analysés, 21 affichaient une concentration en chlorates supérieure à la norme européenne qui est de 50 nanogrammes par gramme (ng/g). Selon l’étude, la contamination du sirop d’érable par les chlorates affecte l’ensemble de la chaîne de valeur puisqu’elle a été observée autant chez les producteurs et productrices acéricoles que chez les transformateurs. De plus, elle touche aussi bien le sirop d’érable typique que le sirop d’érable certifié biologique, puisque sur ces 21 échantillons contaminés, 14 provenaient du sirop d’érable typique et 7 du sirop d’érable biologique.
À la recherche de l’origine de la contamination
À la suite de ce constat, l’équipe du Centre ACER a cherché à connaître l’origine de cette contamination. D’autres types d’échantillons ont par conséquent été prélevés, comme l’eau potable des érablières et des usines de transformation ainsi que l’eau de rinçage des barils et des réservoirs de ces mêmes usines. Aucun de ces échantillons supplémentaires ne dépassait la limite européenne en chlorates. Les responsables d’usines et les producteurs acéricoles ont donc été interrogés sur les techniques de production afin de comprendre la source de cette contamination. Selon l’information recueillie, la principale cause serait associée à une mauvaise utilisation de l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) à l’érablière pour l’assainissement de la tubulure. D’ailleurs, un des échantillons possédant une concentration bien au-delà de la limite européenne provenait d’une érablière où l’eau de Javel avait été utilisée de manière non contrôlée. L’année suivante, un autre échantillonnage dans cette érablière a permis de valider ces résultats.
La principale source de contamination : l’utilisation de produits chlorés
L’étude conclut que l’utilisation de produits à base de chlore pour l’assainissement des équipements constitue la principale source de contamination par les chlorates dans le sirop d’érable. Le recours aux bonnes pratiques de nettoyage et d’assainissement s’avère donc essentiel afin de réduire les risques de contamination et préserver ainsi la pureté et la bonne réputation du sirop d’érable du Québec.