
Équipements usagés : une bonne affaire?
Achat d’équipement acéricole usagé : comment savoir si l’on fait une bonne affaire?
Johanne Martin, collaboration spéciale
Depuis quelques années, le marché de l’équipement de seconde main connaît une forte croissance. Kijiji, LesPAC, les pages Facebook Marketplace, d’équipementiers ou de groupes acéricoles proposent de tout, mais comment parvenir à bien choisir? À quoi être attentif, à quels risques s’expose-t-on, comment procéder avant d’acheter?
Pour de nombreux acériculteurs, l’enjeu défini par l’entente californienne sur le plomb se traduit ces temps-ci par un choix difficile. Soit ils adhèrent aux exigences de la norme et remplacent leurs vieux équipements – évaporateurs, pompes, réservoirs, etc. –, soit ils ne le font pas et risquent de voir la valeur de leur sirop diminuer. Déjà, pour les entreprises de 10 000 entailles et plus, la question de se conformer ou non s’est posée.
Selon les données des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), les exploitations de moins de 10 000 entailles qui composent le bassin le plus important d’entreprises. Quelque 5 500 des 7 400 producteurs d’érable s’y retrouvent. Étant donné la petite taille des exploitations, la décision peut s’avérer onéreuse. Sans compter tous les nouveaux venus qui joignent les rangs de ceux qui pratiquent cette activité chaque année.
La directrice du marketing chez l’équipementier L.S. Bilodeau, Line-Danielle Lachance, confirme que le marché des articles de seconde main est en augmentation. « L’entente californienne représente une partie de la clientèle, qui opte pour le remplacement ou l’échange du matériel non conforme, mais il y a aussi les producteurs potentiels dont le budget est limité et qui veulent voir s’ils vont aimer ça avant d’investir plus », note-t-elle.
Évaporateurs, pannes à sucre, osmoses, pompes vacuum, extracteurs et réservoirs figurent parmi les pièces les plus populaires. « Beaucoup de gens qui agrandissent leur cabane préfèrent également se tourner vers l’usagé, reprend Mme Lachance. Depuis environ deux ans, on observe chez nous une autre tendance : les petits producteurs qui n’ont ni temps ni aide autour d’eux et qui passent de la chaudière à la tubulure pour pouvoir continuer. »
Plusieurs sources disponibles
Si les sites Web Kijiji et LesPAC sont très fréquentés pour l’achat de seconde main, les pages Facebook À vendre équipements d’érablière (29 500 membres), Équipements d’érablière à vendre ou échanger (9 500 membres), celles des différents équipementiers – en plus de leur réseau de clients à l’interne – ou encore la section des annonces classées du forum de discussion acéricole lessucriers.com recueillent aussi énormément de visites.
« Les transactions se font surtout directement entre producteurs sur les plateformes en ligne, constate Daniel Guay, représentant chez CDL. Sinon, pour ma part, il m’arrive de servir d’intermédiaire en mettant des personnes en contact ou de garder de l’équipement en consigne pour quelqu’un qui veut vendre. Autrement, pour le matériel usagé, nous prenons chez nous la peine de le laver, de le rendre conforme et de donner une garantie. »
Karine Breton, responsable de la logistique et des achats chez Équipements Lapierre, témoigne également de cette pratique chez son employeur. « Nous nous assurons que les articles sont propres, en bon état, respectent la salubrité et nous les testons, résume-t-elle. Il faut savoir qu’une transaction de producteur à producteur n’est pas sans risque. Au besoin, on peut faire appel à un club d’encadrement acéricole pour avoir un avis neutre. »
Certains équipements valent-ils davantage la peine que d’autres? Difficile d’offrir une réponse claire à cette question. Le président du forum lessucriers.com, Yves Lauzon, indique cependant que d’acquérir de seconde main permet parfois d’économiser jusqu’à la moitié du prix d’achat dans le neuf. « Nous aidons nos membres à savoir quoi faire pour que l’équipement soit efficace et satisfasse aux normes. Nous faisons du transfert technique. »
Achat usagé – témoignages d’acériculteurs
Claude Denis, producteur acéricole à Neuville, a hérité de la cabane à sucre de son père. Le plus souvent seul pour exécuter toutes les tâches, il a voulu, en 2018, se doter d’un concentrateur. Il a trouvé ce qu’il recherchait dans un groupe Facebook.
« J’avais fait faire une soumission pour du neuf à mon goût lors de portes ouvertes chez un équipementier, mais je trouvais que le montant était un peu élevé. J’ai vu passer l’osmose sur Facebook et j’ai envoyé un mot à son propriétaire pour lui dire que j’étais intéressé. Nous nous sommes par la suite accordés au téléphone. J’avais une bonne idée du prix à payer et de ce que je voulais parce que je surveillais les offres depuis un certain temps. La machine était propre et le gars avait l’air honnête. Je n’avais pas d’osmose avant, et après une saison, je suis très satisfait de mon achat. Par rapport à un appareil neuf, j’ai économisé 3 500 $ que j’ai investis dans l’agrandissement de ma station de pompage. Je bous maintenant plus vite et j’ai coupé ma consommation de bois en deux. »
Copropriétaire avec deux associés de l’Érablière La Grande Pruche à Portneuf, Marc Larochelle s’est récemment procuré un évaporateur de seconde main grâce à LesPAC. Un excellent coup qui lui permet de se conformer à l’entente californienne.
« Nous avions un vieil équipement de plus de 45 ans avec des soudures à l’étain et notre but était d’adhérer à la nouvelle norme sur le plomb. Avec 2 000 entailles, nous ne voulions toutefois pas trop investir. Nous avons acheté d’un producteur bio à Inverness qui nous inspirait confiance. Neuf, cet évaporateur de 3 1/2 pieds sur 14 pieds conçu pour 10 000 entailles nous aurait coûté autour de 30 000 $, alors que nous n’avons payé que 5 500 $. Comme entrepreneur général, j’avais ce qu’il fallait pour aller le récupérer et l’installer. En le démontant – les tuyaux, les chapeaux, les solins : tout venait avec! –, j’ai vu comment le remonter. Il reste environ 1 000 $ à mettre pour que ce soit conforme dans la bâtisse. Nous avons fait une bonne affaire qui nous donne aussi la possibilité de grossir. »
Texte publié dans le magazine Forêts de chez nous, édition février 2020