Migrer vers les énergies vertes, une question de logique !

Migrer vers les énergies vertes, une question de logique !

13 décembre 2022

Reportage de JOHANNE MARTIN, journaliste

« Même si ça demande plus d’efforts, je ne retournerais pas dans des énergies qui ne sont pas vertes. De passer du mazout au bois, l’automatisation est moins là, mais on mise sur l’économie circulaire en récupérant nos arbres pour les évaporateurs. En acériculture, on travaille dans la nature et il me semble que tout ça est très logique ! »

Il y a neuf ans, la famille Douville opérait une transition en remplaçant ses évaporateurs au mazout. Aujourd’hui, Richer et ses enfants — Karine, Jasmin et Gratien —, de même que leurs conjoints respectifs, acheminent leur sève d’érable dans un centre de bouillage qui abrite deux appareils au bois et un système d’osmose à haute concentration. Les quatre entreprises qu’ils possèdent — en plus de celle d’un joueur non apparenté — exploitent 140 000 entailles.

« On avait des visées plus vertes dans la façon de produire notre sirop d’érable. Tout le bois qu’on ne prend pas, qui se vend plus ou moins, on peut le réutiliser dans nos évaporateurs, expose Karine Douville, propriétaire de la Sucrerie du Lac Blanc située à Saint-Ubalde, dans Portneuf. On aurait pu y aller à l’époque avec une bouilleuse électrique, mais c’était nouveau et on doutait un peu du produit fini parce que l’appareil donne un sirop d’érable moins caramélisé. »

Préserver les flaveurs du sirop d’érable
Le projet de se doter d’un évaporateur à l’électricité demeure toutefois à l’ordre du jour pour le groupe d’acériculteurs. Dans les faits, on conserverait l’un des deux appareils au bois afin d’effectuer un mélange de sirops d’érable. Karine souligne qu’une « formule hybride » permettrait de « préserver davantage le goût traditionnel du sirop d’érable, celui qui est connu des Québécois. » La recherche des flaveurs caractéristiques de l’or blond représente un facteur déterminant.
« L’un des atouts de l’évaporateur électrique, c’est aussi qu’il est plus autonome par rapport à ceux au bois qu’on doit remplir régulièrement et qui demandent certains ajustements pour le contrôle de la chaufferie, fait également remarquer la productrice acéricole biologique. Sa taille plus petite nous ferait sauver de l’espace dans la cabane à sucre, si on le compare à l’appareil au bois. Les nouveaux modèles offerts ont une bonne capacité et il y en a qui sont autonettoyants. »

Les stations de pompage aussi

Outre l’emploi de la biomasse et le virage partiel vers le bouillage à l’électricité, les Douville songent à automatiser leurs stations de pompage. Ils visent ainsi à réaliser des économies en réduisant notamment le nombre de tournées en forêt. Le besoin en carburant sera donc moindre, tout comme le temps de travail pour accomplir cette tâche.

« C’est sûr que quelque part, on serait en mesure d’économiser sur nos coûts et d’avoir le maximum d’énergie au bon moment, commente au passage l’acéricultrice. Si on est obligés de faire deux tournées de stations de pompage, même avec des caméras, on est toujours soumis à aller voir en personne si on n’a pas des façons automatisées de faire les choses. Actuellement, on peut installer des systèmes de surveillance quand même assez fiables ! »

Vers de nouvelles technologies

Karine Douville a récemment intégré une cohorte d’entrepreneurs du Créneau Acéricole intéressés à l’industrie 4.0 dans les érablières. Ceux qui prennent part à l’initiative s’appliquent à favoriser leur croissance selon une approche de développement durable en faisant entre autres appel aux nouvelles technologies. Les évaporateurs sont évidemment concernés, mais également l’aménagement forestier, les fuites et la gestion de l’entreprise.

« De notre côté, ce qu’on aimerait aussi avoir, c’est un calibreur de sirop d’érable automatique. C’est dans les nouvelles technologies qui sont sorties au cours des dernières années et ça permet une qualité, une uniformité. On élimine beaucoup l’erreur humaine et les fluctuations de nos instruments de mesure qui deviennent désuets. Une fois tout automatisé, ça nous allège, puis on peut mettre nos efforts ailleurs. Et pour moi, c’est en forêt ! », conclut Karine Douville.

« [ … ] ce qu’on aimerait aussi avoir, c’est un calibreur de sirop d’érable automatique. [ … ] ça permet une qualité, une uniformité. »

Faire sa place dans un milieu d’hommes
La date du 2 août 2012 restera à jamais gravée dans la mémoire de Karine Douville. À 32 ans, elle devenait propriétaire de la Sucrerie du Lac Blanc. La jeune femme faisait alors son entrée dans un « monde d’hommes », ayant presque tout à apprendre. Issue d’une famille agricole, une occasion s’est présentée pour la bachelière en administration. Un couple qui souhaitait vendre son érablière a approché le père de Karine… lequel a pensé à sa fille.
« J’ai décidé de plonger dans cette aventure, raconte l’Ubaldienne. La cédante qui a vendu avec son conjoint m’a transmis toute son expertise au niveau des techniques acéricoles et voilà que la passion s’est développée. Je travaille depuis à temps plein dans l’entreprise. »
Karine gère aujourd’hui les activités de sa propre exploitation et participe à celles de son père et de ses deux frères. Elle écoule son sirop d’érable auprès des PPAQ, en plus de le transformer.
« Je veux continuer à agrandir en achetant ou en louant des érablières et à progresser avec l’entreprise. Je m’adapte et j’ai confiance en l’avenir, signale Karine, qui a acquis la maison où ont vécu ses parents ainsi que ses grands-parents paternels. Chaque printemps marque un nouveau chapitre dans l’histoire de la Sucrerie du Lac Blanc. D’ailleurs, en 2019, le Club d’encadrement technique acéricole de Portneuf m’a décerné le prix du meilleur sirop d’érable doré. »
Texte publié dans l’InfoSirop – Automne 2022