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Modèles d’affaires en acériculture

Modèles d’affaires en acériculture

12 janvier 2022

Un survol des différents modèles d’affaires en acériculture

Auteur : Martin Pelletier, ing. f. avec la collaboration de Luc Lagacé, Ph. D.

 

Une tendance semble se dessiner dans le domaine acéricole depuis quelques années : le regroupement d’entreprises pour les opérations d’évaporation. En effet, on constate que l’offre des centres de bouillage se diversifie, que les regroupements entre voisins se multiplient. Toutefois, les pratiques d’affaires en lien avec ces partenariats ne semblent pas bien définies pour tout le monde, plusieurs questions concernant notamment la répartition des revenus et des dépenses sont régulièrement acheminées au Centre ACER à ce sujet. Le présent article vise à jeter les bases permettant d’articuler une discussion sur certains enjeux en lien avec les différents modèles d’affaires acéricoles. Toutefois, avant d’aller plus loin, une mise en garde s’impose : les différents modèles d’affaires présentés ici ne constituent pas des recommandations et doivent être mis en œuvre de manière à respecter les règlements en vigueur sur la commercialisation des produits acéricoles.

Types de partenariats de production acéricole
Il est possible de réfléchir sur les différents types de partenariat de production acéricole en se basant sur le gradient d’implication des différentes parties :

Figure 1 : Gradient d’implication d’une entreprise ne produisant pas son sirop d’érable de manière autonome avec l’entreprise qui a cette responsabilité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette illustration (figure 1) témoigne de la grande variabilité des modèles de partenariat de production acéricole. Il est tout à fait possible que certains types de partenariat n’y soient pas représentés, mais les modèles les plus fréquents s’y retrouvent tous. Il importe aussi de soulever certaines particularités de quelques modèles proposés afin d’éviter certains écueils.

 

  Modèles de partenariat
 

Éléments à définir

Location des entailles à un autre exploitant. Vente de l’eau d’érable ou du concentré à un autre exploitant. Faire bouillir à forfait, puis commercialiser son propre sirop d’érable. Faire bouillir en commun et répartir les revenus.
Tarif et durée

Taux de location par entaille et durée du contrat. Prévoir les ajustements de taux pouvant s’appliquer si le contrat est à long terme.

 

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Équipement 

Qui est le propriétaire de la tubulure?

Qui remplacera et entretiendra la tubulure?

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Aménagement forestier

Qui est responsable de l’aménagement forestier du boisé sous location?

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Travaux d’infrastructure

Est-ce que les travaux d’infrastructure permanente ou semi-permanente (station de pompage, chemin, tubulure enfouis) peuvent être réalisés? Si oui, quelles sont les modalités?

 

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Entaillage 

Règle d’entaillage à respecter (diamètre et nombre d’entailles par arbre);

Date limite pour l’entaillage et le désentaillage.

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Fixation du prix

Modalités de fixation du prix en tenant compte de la quantité (volume ou poids) et de la teneur en extrait sec soluble de l’eau d’érable (°Brix).

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Coût de transport

Modalités et répartition des coûts de transport le cas échéant.

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Coût de la transformation

Frais liés à la transformation de l’eau d’érable ou du concentré de l’eau d’érable en sirop d’érable, en se basant sur la quantité (volume ou poids) et de la teneur en extrait sec soluble de l’eau d’érable (°Brix).

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Traçabilité

Procédures de traçabilité des lots de l’eau/concentré/sirop d’érable produits. Prévoir aussi la méthode de documentation et de transfert de ces informations.

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Paramètres de production minimale

Quel est le temps d’attente et la température d’entreposage de l’eau d’érable et/ou du concentré d’eau d’érable que nous jugeons acceptables?

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Répartition des revenus/dépenses

Comment les revenus de sirops d’érable et les dépenses de production seront-ils répartis?

Les apports en matière première (volume et teneur en extrait sec soluble de l’eau d’érable ou du concentré d’eau d’érable) de chacune des entreprises devraient être enregistrés.

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Répartition des pertes

Comment les pertes découlant du procédé seront-elles réparties?

Quels sont les niveaux de pertes normales acceptées?

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Gestion des risques

Comment gérerons-nous l’impact sur la qualité pouvant découler de l’utilisation d’une eau d’érable qui risque de produire des sirops d’érable à défauts (généralement les défauts d’origines naturelles, chimiques [surtout pour les producteurs de concentré], bourgeons, filant et certains du code 4)?

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Définir les rôles et les responsabilités de chacun : une approche gagnante

La définition des rôles et responsabilités des différents individus impliqués dans une transaction facilite la mise en commun des différentes étapes de la production du sirop d’érable. Cette méthode permet également de mieux structurer le travail et d’éviter certains écueils. Voici une définition simple des termes « rôle » et  « responsabilité » qui semble bien adaptée au contexte de production acéricole.

Rôle : fonction générale de l’individu dans l’entreprise et le partenariat de production.

Responsabilités : catégories de tâches associées à un rôle et pour lequel le détenteur de ce rôle est imputable.

 

Répartition des rôles et responsabilités

On essaie généralement d’attribuer les responsabilités qu’à un seul rôle afin d’éviter la confusion et l’inefficacité. Il est important de souligner la présence d’étapes de vérification entre les différents détenteurs de rôles et pour les différentes responsabilités ; ceux-ci sont indiqués par un astérisque (*) dans le tableau de la page 15. Rappelons aussi qu’il s’agit ici de suggestions qui devront être adaptées aux différentes réalités des entreprises acéricoles.

Bien sûr, cette approche est peut paraître passablement rigide et ne conviendra certainement pas à tous. De plus, il est fort possible qu’une personne détienne deux, voire même trois des rôles présentés dans le cadre d’un partenariat de production. Toutefois, les suggestions présentées ici devraient être considérées en ce qui a trait aux responsabilités à l’interface des deux détenteurs de rôles différents.

 

Exemple de répartition des rôles et responsabilités pour un partenariat de production acéricole hypothétique

Rôles Responsabilités potentielles
Responsable de la récolte de l’eau d’érable
  • Mise en place du système de tubulure;
  • Régie et exploitation du système de tubulure afin de produire une eau d’érable
    répondant aux attentes du responsable de la préparation d’un concentré d’eau d’érable;
  • Suivi des volumes et des propriétés de l’eau d’érable récoltée;
  • Livraison de l’eau d’érable au responsable de la préparation du concentré.
Responsable de la préparation du concentré d’eau d’érable
  • Validation des volumes et des propriétés de l’eau d’érable reçue*;
  • Opération de l’appareil de concentration membranaire de manière à produire un concentré répondant aux attentes du responsable de la cuisson;
  • Entretien et suivi des performances de l’appareil de concentration membranaire;
  • Livraison du concentré d’eau d’érable au responsable de la cuisson du concentré de l’eau d’érable afin d’en faire un sirop d’érable.
Responsable de la cuisson (évaporation) du concentré d’eau d’érable afin d’en faire un sirop d’érable
  • Validation des volumes et des propriétés du concentré d’eau d’érable reçu*;
  • Opération de l’évaporateur de manière à produire un sirop d’érable répondant aux attentes du responsable du conditionnement;
  • Entretien et suivi des performances de l’évaporateur;
  • Livraison du sirop d’érable au responsable du conditionnement du celui-ci.
Responsable du conditionnement et de l’emballage du sirop d’érable

 

  • Validation des volumes et des propriétés du sirop d’érable reçu*;
  • Opération des appareils de conditionnement (sirotier, bassin de calibration, unité de filtration, unité de remplissage, contenant d’entreposage) de manière à produire un sirop d’érable répondant aux attentes du responsable du conditionnement;
  • Entretien et suivi des performances des équipements de conditionnements;
  • Livraison du sirop d’érable pour commercialisation.

 

Pour finir

La multiplication des partenariats de production acéricole semble s’être accélérée ces dernières années. Quelle qu’en soit la raison, ce type de pratique est certainement une bonne stratégie en ce qui concerne le contrôle des coûts et des investissements ; encore faut-il que des partenariats « gagnant-gagnant » soient mis en place pour que le tout se déroule bien et satisfasse toutes les parties prenantes. Toutefois, les entreprises cherchant à instaurer ce type de partenariat de production ne devraient pas hésiter à aller chercher les conseils d’experts afin de bien ficeler ce type d’entente. Il peut être intéressant de contacter des conseillers acéricoles ou en gestion d’entreprises agricoles pour s’assurer de bien enligner les démarches.

 

Texte publié dans le magazine Forêts de chez nous, édition mai 2021