Une transition qui en vaut le coup… et le coût

Une transition qui en vaut le coup… et le coût

13 décembre 2022

Reportage de JOHANNE MARTIN, journaliste

Quand les propriétaires de l’Érablière LRT ont décidé de remplacer leur évaporateur au mazout par un système aux granules, ils souhaitaient en même temps répondre à des motivations écologiques et économiques. Réduction des coûts, meilleur produit, sirop d’érable plus carboneutre : pour eux, malgré l’adaptation, la transition en valait la peine.

« Lorsque mon frère Hugo et moi-même sommes devenus propriétaires de l’entreprise avec notre oncle Rémi Thériault, en 2017, des discussions pour changer de technologie avaient déjà commencé, raconte Guillaume Caron. On faisait des portes ouvertes et on voyait chez un équipementier l’évaporateur qu’on a actuellement. L’appareil nous intéressait beaucoup, puis on s’est mis à parler avec des gens autour de nous qui s’étaient convertis aux granules. »

À l’époque, une démarche avait aussi été entreprise afin de calculer le niveau de GES émis par l’exploitation. Cet exercice, admissible à une subvention, avait permis d’établir qu’une baisse notable des GES pouvait être enregistrée à la suite du remplacement du système. Les économies sur les coûts de production se révélaient en outre appréciables. Avec un nombre d’entailles qui était appelé à augmenter, la transition s’avérait avantageuse.

« Il faut dire qu’on avait une bouilleuse à l’huile d’une ancienne génération qui consommait énormément de carburant, ajoute l’acériculteur de Biencourt, dans le Bas-Saint-Laurent. Au départ, le changement devait se faire en 2018, mais cette année-là a été plus difficile dans notre région. C’est finalement un an plus tard qu’on a effectué le virage et procédé à toutes les modifications. Notre premier printemps avec l’évaporateur aux granules a été en 2020. »

Se relever les manches

Même s’ils ne retourneraient plus en arrière, les trois actionnaires de l’Érablière LRT ont dû se relever les manches pour concrétiser leur projet. D’un évaporateur de 6’ par 16’, ils ont migré vers un appareil de 7’ par 18’. Du coup, un agrandissement de la cabane à sucre s’est imposé. L’évaporateur aux granules produisant une quantité plus importante de sirop d’érable à l’heure, il a fallu acquérir de l’équipement supplémentaire pour être en mesure de suffire à la demande.

« On a été obligés de faire des achats pour recueillir le sirop d’érable après le bouillage, explique M. Caron. On s’est procuré deux cuves — un bassin tampon et un bassin de calibration — pour être certains qu’on allait fournir. Avant, on fonctionnait seulement avec un siroptier normal et on mettait directement en barils après. Maintenant, à partir du bassin tampon, on va filtrer le sirop d’érable et l’envoyer dans le bassin de calibration, ajuster le degré Brix et couler en barils. »

Au moment de l’achat de l’évaporateur aux granules, le trio souhaitait continuer à croître. Il détenait alors 42 000 entailles, auxquelles 18 000 autres sont venues se greffer l’an dernier.

Même s’ils ne retourneraient plus en arrière, les trois actionnaires de l’Érablière LRT ont dû se relever les manches pour concrétiser leur projet.

Les Thériault-Caron ont en effet mis la main sur une exploitation à proximité de la première. Avec le contingent obtenu, ils possèdent aujourd’hui 65 000 entailles sur des lots privés. Ils ne regrettent donc pas d’avoir vu grand avec un système qui a facilement absorbé cet ajout.

D’une pierre deux coups

« La beauté de la chose, c’est qu’avec cette toute nouvelle érablière, on a, en plus, éliminé un deuxième appareil au mazout. Au fond, ce qu’on fait, c’est qu’on transporte l’eau d’érable pour la transformer à l’érablière de 42 000 entailles. À la base, notre projet a abaissé les GES et en produisant aux granules un sirop d’érable qui, avant, était chauffé au mazout, on améliore encore le bilan. Bref, on a un évaporateur aux granules qui en a fait disparaître deux au mazout ! »

Les propriétaires de l’Érablière LRT apprécient par ailleurs la polyvalence de cet équipement. « On peut commencer la journée à 18 degrés Brix, puis plus tard, monter à 25 et le système va le prendre sans problème, signale Guillaume Caron. Il est très adaptable pour répondre à nos besoins. L’année passée, on était à 22 degrés Brix de concentration et la prochaine saison, on vise plutôt 25. On veut hausser tranquillement pas vite, on fait un pas à la fois ! »

Et qu’en est-il de la qualité du sirop d’érable ? Les trois acériculteurs biologiques le jugent meilleur depuis que le virage a été réalisé. Ils ont toutefois observé que l’évaporateur aux granules génère moins de sirop d’érable doré et une plus grande quantité de produit catégorisé « ambré ». Si l’objectif reste d’offrir à la clientèle un sirop d’érable de qualité, la transition a permis de se rapprocher un peu plus de la perfection tout en devenant plus vert… et en y parvenant à un coût trois fois moindre.

 

« Faire notre part »
Le producteur admet qu’il a le désir de poursuivre son expansion en augmentant le nombre d’entailles, mais se dit freiné par la difficulté à recruter de la main-d’œuvre. De juin à janvier, un employé appuie les trois actionnaires. Pendant la période des sucres, huit ou neuf personnes sont actives à l’Érablière LRT. Les lots actuels offrent la possibilité d’une dizaine de milliers d’entailles de plus, sans compter la perspective de contingent additionnel.
« C’est évidemment une crainte de s’embarquer là-dedans, termine M. Caron. En attendant, pour nous, les aspects économique et écologique se rejoignent. On entend de plus en plus parler de sirops d’érable qui sont davantage carboneutres. Ça nous touche en tant que producteurs de vouloir faire notre part dans l’équation. Il y a des choses qu’on n’a pas encore le choix d’utiliser qui sont au gaz, mais on peut aller de l’avant avec ce qu’il est possible de sauver ! »